Les avocats alertent à propos de la surpopulation carcérale

L'État belge doit actuellement un total de 2.700.000 euros d'astreintes à l'Ordre des barreaux francophones et germanophone de Belgique, Avocats.be. Une décision de la cour d'appel de Liège datant de décembre dernier contraint en effet l'État à mettre fin à la surpopulation dans les prisons. Toutefois, rien n'a été entrepris jusqu'à présent, a dénoncé vendredi Avocats.be lors d'une conférence de presse.

"On n'a pas besoin de leur argent, on a besoin d'humanité", s'est exprimé le pénaliste bruxellois Denis Bosquet lors de cette conférence. "On a rencontré le SPF Justice en janvier et on a dressé à son attention une liste de solutions. Une deuxième réunion est prévue le 11 mars et on verra ce qu'ils nous disent. Mais cette situation de surpopulation carcérale est une honte et il est temps d'agir".

2.000 détenus en plus en 3 ans

Selon le président d'Avocats.be, Pierre Sculier, et Denis Bosquet, il n'y a jamais eu autant de détenus dans les prisons belges, alors que la délinquance n'est pas en augmentation, la faute entre autres à une législation qui impose que les courtes peines soient désormais toutes exécutées et au recours obligatoire à la détention préventive dans les procédures accélérées. En 2021, les prisons comptaient 10.035 détenus. Elles en comptent aujourd'hui 12.000.

Pour Denis Bosquet, le problème n'est pas nécessairement de décider de faire exécuter toutes les peines, même inférieures à deux ans de prison, mais bien de le décider sans s'assurer qu'il y a suffisamment de place dans les établissements pénitentiaires. "Ces peines courtes devraient même être exécutées non pas dans les prisons mais dans ce que l'on appelle les maisons de détention. Or, les communes refusent de les ouvrir. On a donc un État qui travaille à l'envers", a-t-il regretté.

Trois dans une cellule d'une personne

La promiscuité dans les cellules, où des détenus sont parfois à trois dans un espace prévu à la base pour une personne et sans aucune intimité pour faire ses besoins, le manque d'hygiène et l'absence d'outils de réinsertion ne sont autres que des traitements inhumains, selon les orateurs. "À Lantin, ce sont les champignons. À Mons, ce sont les punaises de lit... Cela devient aussi un problème de santé publique", a commenté Sandra Berbuto, avocate pénaliste au barreau de Liège. "Si l'on veut éviter les récidives dans la délinquance, le fait que les autorités bafouent les règles de l'État de droit n'est pas le meilleur exemple à montrer", a-t-elle affirmé. "Veiller au respect des droits fondamentaux des détenus, c'est aussi protéger la société".

Selon les orateurs, le problème se pose en particulier dans les prisons de Lantin et de Mons, mais aussi dans celle d'Anvers. À Bruxelles, la prison de Forest, totalement vétuste, a été fermée, mais des détenus sont encore incarcérés à la prison de Saint-Gilles, elle aussi décrépie, parce que la nouvelle prison de Haren manque de personnel pour ouvrir certaines ailes.

Se détourner de la sur-incarcération

Pour Avocats.be, Denis Bosquet et Sandra Berbuto, il est primordial d'attaquer le problème dans son ensemble, à commencer par le prononcé des peines et le recours systématique à la détention préventive. La société "très sécuritaire" d'aujourd'hui conduit à une "sur-incarcération", mais il est nécessaire de "réfléchir autrement" selon eux, tant les études criminologiques que les rapports de divers organismes d'observation des prisons montrent que la détention n'est pas la solution ultime à la transgression des règles de vie en société.

C'est d'ailleurs sur base de ces constats répétés qu'un projet de réforme du code pénal belge avait prévu non plus une large échelle de peine pour chaque infraction, mais une pyramide de huit niveaux de sanctions, avec un recours à la peine de prison le plus tard possible.

(Belga & P.J.)

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