Le déconfinement, période d'angoisses et de désorientation pour les aveugles et malvoyants
Depuis le début du déconfinement, de nombreux dispositifs sont mis en place dans les lieux publics ou les transports en commun. Parmi celles-ci, les sens de circulation, l’affichage des consignes de sécurité, la distanciation sociale, ou le lavage des mains à l’entrée des lieux publics. Ces mesures, facilement applicables pour tout un chacun, sont une véritable source d’angoisse pour les usagers malvoyants ou aveugles qui se retrouvent désorientés dans des espaces publics même lorsqu’ils les connaissent.
Lorsqu’on est malvoyant ou non-voyant, il est déjà compliqué de se déplacer en ville, ou de prendre les transports en commun. Mais en cette période de déconfinement, la tâche est encore plus ardue. Tout d’abord, la montée dans le bus ne se fait pas par l’avant, les repères ne sont plus les mêmes. Ensuite, le contact avec le chauffeur est aussi plus compliqué avec la bâche séparant le chauffeur des passagers.
"Habituellement, le bus s’arrête avec la porte à hauteur des repères striés dans le sol" explique Martine Rausin, non-voyante membre de l’équipe de sensibilisation de l’asbl La Lumière. "Ici nous devons monter par une porte de derrière. Ce qui n’est pas toujours facile, on ne la trouve pas toujours du premier coup. Ensuite nous devons retourner vers l’avant du bus pour signaler au chauffeur où nous voulons nous arrêter. Pour s’assoir, on ne sait jamais si on respecte les distances et si on ne gêne pas les autres personnes. On ne sait pas non plus s’ils portent un masque. Tout cela est assez stressant."
Faire les courses avec les mesures sanitaires est aussi devenu une source de complications. Entrer, trouver la borne de gel ensuite se repérer dans un magasin où il peut y avoir un sens de circulation, ou encore garder le mètre cinquante de sécurité s’ajoute aux obstacles habituels. Mais ce n’est pas le plus contraignant. En effets, pour faire leurs achats, de nombreux malvoyants utilisent le toucher pour reconnaître les articles. Avec le covid-19, ce n’est plus possible.
"J’ai déjà eu des réflexion dans certains rayons comme les fruits et légumes où on m’expliquait que toucher n’était pas permis ou bien que je devais acheter ce que je touchais" déclare Jacqueline Hayebin, malvoyante et membre de l’équipe de sensibilisation de l’asbl La Lumière. "Ce qui est positif, c’est que, quand on voit que j’ai un souci, souvent on m’aide. Mais c’est une période angoissante car on ne sait jamais si on peut toucher ou pas et si on n’est pas en train d’importuner."
Pour aller boire un verre ou manger au restaurant, les non-voyants sont dépendants du tenancier. Sans aperçu de l’affichage des mesures de sécurité et des couloirs à respecter, ils ne peuvent choisir et rejoindre seul une table.
"Quelque part, j’ai l’impression d’avoir perdu ce que j’ai acquis depuis quelques années" explique Jose Salvador, non-voyant et membre de l’équipe de sensibilisation de La Lumière. "Je sais que ça reviendra, mais j’ai vraiment perdu mon autonomie. Tout est plus dur, mentalement aussi. Il faut que je me force. C’est à moi à me dire : aller aujourd’hui je fais ça, j’y vais. Je sais que j’en suis capable !"
Les périodes de confinement et de déconfinement et tout ce qu’elles impliquent sont une source d’angoisse et de désorientation pour les personnes malvoyantes et aveugles qui doivent en quelque sorte réapprendre à vivre.
Un coup de main des personnes à proximité est souvent le bienvenu. Pour le faire de façon rassurante, signalez-vous, proposez votre aide, ne l’imposez pas. Si la personne désire de l’aide, présentez-lui votre coude, technique de guidage classique, qui n’implique pas de contacts excessifs, ou intrusifs.