"Pire que le bruit des bottes : le silence des pantoufles"
Ce vendredi, Cinq "Pavés de la Mémoire" ont été placés rue Sainte-Marguerite à Liège. C'est un hommage à la mémoire de personnes déportées et assassinées lors de la deuxième guerre mondiale. L'opération s’inscrit dans un travail de sensibilisation d’élèves d’une école voisine.
Ces 5 petits pavés portent chacun le nom d’un membre de la famille Friedman, des Liégeois originaires de Pologne, qui ont habité ici jusqu’à 1942, avant d’être arrêtés et déportés par les nazis
A l'emplacement où ont été posés les pavés, il y a aujourd'hui un large trottoir. C'était auparavant l'emplacement d'une maison, le numéro 164 de la rue Sainte Marguerite, en fait, le dernier domicile connu de cette famille.
Le père, David Friedman, était un des nombreux commerçants du quartier : il était coiffeur. Son épouse Hena était femme au foyer et mère de trois enfants : Szajndla, Charles et Fraijdla. La famille a été séparée dès le mois d'août 1942. Le 3 août, le père est convoqué par l'Office du travail de Liège - qui soutient la politique allemande - qui le déporte dans un camps de travail dans le Pas-de-Calais, gardés par des SS. belges et hollandais.
Le 24 août, la mère est mise au travail à la Fabrique Nationale d'Armes de Guerre à Herstal. Le 11 septembre, sans doute sur dénonciation, elle est arrêtée à son domicile par les autorités allemandes avec deux de ses enfants, Szajndla et Charles. Ils sont aussitôt transférés à la caserne Dossin, à Malines, puis déportés le 12 septembre 1942. `
Fraijdla, que sa mère, inquiète, avait confié à des voisins, a été arrêtée le 21 octobre 1943, sans doute sur dénonciation. Elle a été incarcérée à la Citadelle de Liège pendant 6 semaines, puis transférée à la caserne Dossin, avant d'être déportée le 15 janvier 1944. Elle sera évacuée d'Auschwitz en janvier 1945, à l'occasion des Marches de la Mort, et passera par Ravensbrück, le camp des femmes. Elle sera la seule de sa famille à survivre à la déportation, et sera rapatriée en Belgique le 15 mai 1945.
La cérémonie s’inscrit dans un travail de mémoire mené auprès des étudiants de dernière année de l’école d’enseignement secondaire, S2J, située à proximité immédiate de ce lieux.
Philippe Renette, professeur et co-organisateur de cette opération, souligne que la Shoah (c'est-à-dire l'extermination systématique de 5 à 6 millions de Juifs par l'Allemagne nazie durant la seconde guerre mondiale) que l'on associe aux tristement célèbres camps de la mort, a commencé pour certains dans les rues de Liège !
Cette opération s'est déroulée en présence de différentes associations qui entretiennent la mémoire des victimes de la seconde guerre mondiale ; la fondation Auschwitz, l’association pour la mémoire de la Shoah et les Territoires de la mémoire.
"Pire que le bruit des bottes, il y a le silence des pantoufles", lance Serge Massart, administrateur aux Territoires de la Mémoire, qui insiste sur l'importance de l'implication des jeunes dans ces projets mémoriels, qui contribuent à leur formation citoyenne et à la résistance.
Jusqu'à présent, 75 000 Pavés de Mémoire ont déjà été placés à travers l'Europe; il y en 450 en Belgique, dont une trentaine à Liège.
Via ce lien vous trouverez la localisation d'autres pavés de mémoire en province de Liège.
Le site Stolpersteine explique toute la démarche de l'artiste Gunter Demnig à propos des "Pavés de Mémoire" en anglais et en allemand.