Jeune femme tuée à Liège : peut-on parler de crime d'honneur ?
Retrouvée ligotée et tuée d'une balle dans la tête, Alham Younan, d'origine syrienne, vivait à Liège depuis des années. D'après sa sœur Fadia, c'est son mode de vie européen, décrié par ses frères, qui serait le motif de l'assassinat. Elle les accuse d'avoir commis un "crime d'honneur". Qu'entend-on réellement derrière cette appellation ?
Selon Amnesty International, "les crimes dits d’honneur comprennent les violences ou le meurtre (généralement) de femmes par un membre de la famille ou une relation familiale au nom de l’honneur individuel ou de la famille."
Quant au concept de l'honneur et son rapport à la liberté, sa définition varie en fonction du sexe de la victime. "L'homme est plus libre" explique l'anthropologue Chris Paulis de l'ULiège, spécialiste des relations interculturelles. "Dans certains cultures, l'homme peut avoir des aventures, tandis que la femme doit arriver vierge au mariage. Tout simplement car on peut le vérifier anatomiquement chez une femme."
Plutôt perdre la vie que l'honneur
En 2011, Sadia Sheikh, d'origine pakistanaise, est assassinée par son frère à Charleroi. Tout comme Alham, retrouvée le 3 janvier à Liège, la famille lui reprochait son mode de vie "à l'occidentale". Mariée de force à un cousin au Pakistan, elle avait fui la famille pour suivre des études de droit et entretenait une relation amoureuse avec un garçon de son âge. "Je préfère voir ma sœur morte que mariée à un Belge" avait confié le frère lors du jugement en 2011.
Les membres de la famille avaient été reconnus coupables d'assassinat, avec pour motif le "crime d'honneur". Il s'agissait alors de la première évocation de cette notion dans l'histoire judiciaire belge.
"On était des putes, selon notre frère" confie Fadia Youran, la sœur d'Alham, vivant également en région liégeoise. Des "putes" parce qu'elles avaient fait le choix de vivre librement, comme des jeunes femmes belges de leur âge. Un mode de vie qui, selon elle, aurait poussé ses frères à passer à l'acte, à commettre "ce crime d'honneur".
Dans le monde, plus de 5 000 cas de crimes d'honneur sont répertoriés chaque année, toutes cultures et communautés religieuses confondues, selon Amnesty International.
Crime et honneur, deux termes réellement compatibles ?
Peut-on vraiment parler d'honneur quand il s'agit d'un crime ? Si les termes peuvent sembler antagonistes, Chris Paulis rappelle que "même si le terme crime peut sembler déshonorant, le mot honneur se rattache au motif de l'homicide : il s'agit de rétablir l'honneur de la famille. En tuant la personne, ils éliminent la cause du déshonneur et en même temps, ils ont l'impression de se purifier, de revaloriser leur innocence."
Dans le cas d'Alham Younan, la piste du crime d'honneur n'est qu'une possibilité parmi d'autres. S'attaquant à une femme, le crime peut par contre être désigné de féminicide. Le mobile du meurtre reste, à ce jour, inconnu.
Il n'y a pour le moment eu aucune interpellation dans ce dossier. Le parquet refuse toujours de se prononcer dans cette affaire très sensible.
(A.P.)