Luc Toussaint reprend mercredi la barre de la CGSP-Enseignement
Des rentrées scolaires, il en a déjà vu pas mal dans sa longue carrière. Mais cette année, la rentrée de Luc Toussaint prend une tout autre dimension. A 60 ans, cet ancien prof de maths, physique, chimie accèdera officiellement mercredi à la présidence de la CGSP-Enseignement, l'un des deux grands syndicats des profs en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Une passation de pouvoir qui coïncide avec le début d'une toute nouvelle législature qui, vu le programme de la coalition MR-Engagés, s'annonce d'emblée électrique pour le monde de l'enseignement. Un monde dont Luc Toussaint connaît toutes les réalités.
Diplômé de l'école normale en 1986, ce Liégeois expérimentera dans sa chair cette précarité des débuts de carrière dont se plaignent encore aujourd'hui les jeunes enseignants.
Durant plus de dix ans, il assumera au total pas loin d'une centaine de cours différents, et ce aussi bien dans des écoles de l'enseignement général, technique, professionnel que spécialisé.
"Je pense que les débuts de carrière d'enseignants, c'était encore pire à cette époque. J'ai donné à un moment de ma carrière jusqu'à treize cours différents par semaine", se souvient-il.
Début des années nonante, nouveau coup dur. Le gouvernement de Laurette Onkelinx (PS) décide de supprimer des milliers d'emplois dans l'enseignement pour faire des économies, et éviter la faillite à la Communauté française. Encore jeune prof à ce moment-là, Luc Toussaint fait partie des sacrifiés.
Il parvient toutefois retrouver quelques heures à gauche et à droite. D'intérim en intérim, il arrive à éviter les trop longues périodes au chômage. Et finalement, après douze années de carrière un peu chaotique, il est nommé et stabilisé à l'athénée de Chênée.
Sa vocation syndicale sera aussi assez précoce. Alors qu'il n'est encore qu'élève dans le secondaire, il lutte contre les restrictions d'options que le gouvernement entend imposer dans ce qu'on appelait encore à l'époque l'enseignement rénové.
Dans ce combat, il noue logiquement des liens avec des syndicalistes. Au sortir de ses études secondaires, il opte pour la carrière d'enseignant. Et c'est à l'école normale qu'il s'affilie à la CGSP. Il n'a que 20 ans à peine. Quarante ans plus tard, le voilà donc à la barre du syndicat, où il succède à Joseph Thonon, admis à la pension après huit années de mandat.
Issu de la régionale de Liège connue pour sa combativité, Luc Toussaint assure toutefois ne pas vouloir imposer un changement de ligne radical au syndicat. "J'aime travailler en équipe. Je ne vais donc pas imprimer ma marque de manière autoritaire".
Son arrivée aux commandes de la CGSP-Enseignement intervient à l'évidence à un moment-clé. Le nouveau gouvernement MR-Engagés a en effet annoncé vouloir imprimer une série de profondes réformes au monde de l'école. Le syndicat socialiste vient d'ailleurs de consacrer deux jours entiers de séminaire pour décortiquer l'ensemble de ces mesures.
"C'est un vrai catalogue d'horreurs!", s'indigne-t-il. "Nous avons identifié pas moins de 35 mesures qui seront clairement néfastes aux enseignants ou au caractère égalitaire et démocratique de l'enseignement. C'est un retour en arrière de 100 ans!".
Face à tel constat, le nouveau président de la CGSP-Enseignement ne se décourage pas, même s'il se doute que la tâche ne sera pas aisée.
"Il est clair qu'on se retrouve dans une situation pas confortable, où l'on va avoir du mal à se faire entendre. On est face à un gouvernement relativement homogène avec des propositions très néo-libérales. Il n'y aura pas de franche collaboration, c'est clair. On voit que leur but est de faire des écoles de petites entreprises en concurrence sur le marché scolaire. D'un côté, il y aura celles qui tenteront d'attirer les bons élèves et les bons profs. Et en face, il y aura les autres qui n'auront pas ces possibilités..."
Malgré ces lourdes craintes, le syndicat n'entend pas déterrer de suite la hache de guerre face au gouvernement.
"Il n'est pas prévu de sortir (dans les rues)", confie pour l'heure Luc Toussaint. "Ce que nous devons faire maintenant, c'est un travail d'explication des projets du gouvernement. Non seulement auprès de nos affiliés qui ne sont pas toujours au courant de ces mesures. Mais aussi envers le grand public. Car ce qui est en jeu à présent, c'est la fin de l'école universelle telle qu'on l'a connue...", conclut-il.
Belga et MF.