Le règlement mendicité liégeois fait débat
Le règlement de police sur la mendicité à Liège fait débat depuis plusieurs années. La Ligue des droits humains dénonce l'illégalité de ce règlement, et rappelle que la répression pénale de la mendicité est abolie en Belgique par une loi de 1993. Pour le bourgmestre et la police, ce règlement est utile et donne un cadre juridique aux interventions sur le terrain.
Faire la manche à un carrefour, avec un chien ou un enfant ou en vendant des petits objets par exemple, tout cela est interdit par le règlement de police sur la mendicité adopté par la ville de Liège il y a une vingtaine d'années. Ce règlement impose également aux personnes qui mendient des zones et des horaires à respecter. L’institut fédéral des droits humains et le service de lutte contre la pauvreté ont rendu un rapport en mai dernier sur ce règlement et recommandent son abrogation pure et simple.
« Le règlement est impraticable, explique Sibylle Gioe, vice-présidente de la Ligue des droits humains. Toute la marge d'appréciation de savoir si la mendicité pose un problème, réel ou non, est laissée à la police, ce qui est contraire au principe de sécurité juridique et à l'état de droit. La Cour européenne des droits de l'homme a précisé qu'il fallait de solides motifs d'intérêt public pour restreindre le droit de mendier et que rendre plus attrayant le centre touristique ou ne pas importuner les passantes ou les passants du simple fait de mendier n'étaient pas des objectifs légitimes. »
Interpellé lors du conseil communal du 26 juin, le bourgmestre insiste, ce règlement est indispensable selon lui et il ne reviendra pas sur certains points, comme l’interdiction de mendier avec un enfant de moins de 16 ans. « Partisan d'une police démocratique et respectueuse du droit, il m'importe de sécuriser juridiquement leurs interventions. Cet objectif est partagé par Monsieur le chef de corps de police. C'est toute la raison d'être de ce règlement qui est appliqué avec discernement par les forces de l'ordre », affirmait Willy Demeyer lors du conseil communal.
Selon la police de Liège, le nombre de contrôles a augmenté entre 2021 et 2022, avec 500 contrôles en plus. Le nombre de personnes sans domicile fixe augmente également : en 2022 la police en comptait 449, deux fois plus qu’il y a dix ans. Normalement le règlement prévoit une détention administrative de 12h dès la troisième infraction, un autre point qui pose problème pour la ligue des droits humains.
« Le but premier du règlement, c'est aussi d'aider les personnes qui sont dans ces situations précaires et notamment de mettre systématiquement, si ce n'est pas déjà le cas, en rapport avec le CPAS ou d'autres services d'aide sociale. Donc ça, c'est la première étape. Deuxième étape : il y a une valeur éducative également, c'est de pouvoir dire aux mendiants que ce type de comportement, mendier avec un enfant ou un mineur n'est pas acceptable. Et troisièmement, on a parlé d'arrestations systématiques mais c'est faux : les arrestations varient entre une et deux par jour. Quand vous voyez le nombre de personnes en situation de mendicité au centre ville, si on arrêtait systématiquement, ces chiffres ne seraient pas ceux-là », explique Christian Tesson, directeur proximité et budget de la police locale de Liège.
Le bourgmestre a annoncé qu’une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés aurait lieu. Pour le moment, il n’envisage pas l’abrogation de ce règlement qui fait débat.