Quand les archivistes liégeois démantèlent un trafic international
Un piège pour coincer un voleur en flagrant délit, un camion de la police fédérale pour récupérer une centaine de milliers de documents volés, et des années de tri pour rendre à chacun ce qui lui appartient ; c’est l’étonnante aventure vécue par les archivistes de Cointe, où se trouve le siège liégeois des Archives de l’Etat.
C’est dans la salle de lecture des Archives de l'Etat à Liège, en 2002, que ce trafic international d'archives va être mis au jour avant d'être démantelé. Le Directeur d'alors, Bruno Dumont, est alerté par le curieux manège d’un visiteur. L’homme, âgé d'une soixantaine d'années, multiplie les visites, et demande à chaque fois de lui préparer de très grandes quantités de documents, mais les consulte à peine. La police est prévenue, mais on explique au directeur qu'il faut un flagrant délit pour intervenir. Bruno Dumont a une idée : il examine attentivement le contenu d'une farde, qui contient des centaines de documents, avant de la remettre, parmi des dizaines d'autres fardes, au visiteur sur qui portent les soupçons. Sur le temps de midi, les Archives de l'Etat ferment ses portes, et les visiteurs doivent quitter les lieux. La personne soupçonnée de vol avait l'habitude de passer son temps de midi sur le parking, et revenait dès la réouverture. C'est pendant ce laps de temps que le Directeur a retrouvé la farde dont il avait attentivement examiné le contenu. Pas de doute : des documents étaient manquants. La police a été prévenue, et des inspecteurs de la police judiciaire se sont rendus sur place, discrètement, en attendant que le visiteur termine sa visite de l'après-midi. A sa sortie, l'indélicat visiteur a été arrêté. Lors de la fouille de sa voiture, la police a retrouvé deux mallettes, identiques, chacune avec un rangement secret, dans lequel il sortait les documents sélectionnés pour la revente.
Une perquisition a été ordonnée. Deux receleurs ont été identifiés et perquisitionnés, eux aussi. Au total, plus de 100.000 documents ont été retrouvés. Il est apparu que les vols avaient été commis un peu partout en Europe de l'Ouest ; en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-bas, en Italie... Ces archives étaient destinées à la revente à des collectionneurs, qui peuvent être intéressés par les signatures de personnages historiques, par les marques postales ou les cachets de cires, par exemple. Tous ces documents volés ont été remis aux Archives de l’Etat de Liège. L'institution a été chargée de faire le tri et de restituer les documents volés à leur différents dépositaires.
Vingt ans après l’arrestation du voleur, le travail n’est pas terminé.
Ainsi, ce vendredi 21 juillet, ce sont quelques documents, notamment de l'époque napoléonienne, qui sont retournés du côté de Reims.
Il faudra encore quelques années aux Archives de l’Etat de Liège pour terminer le travail de restitution des différentes archives volées.
Liège doit assurément un fière chandelle à la perspicacité de son ancien Directeur, Bruno Dumont, qui, par ses observations et le dispositif qu'il a mis en place, a réussi à mettre fin à un trafic international d'archives, volées dans de nombreux centres et dépôts, à travers l'Europe.
E. Ortmans