Sauver les ascenseurs de l'échafaud
Jaspar était une fabriquant liégeois d'ascenseurs parmi les plus renommés, dans la première moitié du XXe siècle.
Les plus belles de ces élégantes machines étaient garnies de bois précieux. Pour y accéder, il fallait passer la double grille métallique : celle qui se trouvait sur chacun des paliers, destinées à éviter les chutes accidentelles dans le vide, si l'ascenseur était à un autre étage, et la grille intégrée dans la cabine, placée là pour protéger les personnes transportées des dangers que pouvait représenter tout contact direct avec les murs intérieur de la cage d'ascenseur.
Les cabines étaient conçues le plus souvent "sur mesure". C'est le cas de celle que nous avons visitée, dans le quartier du Botanique, à Liège.
Elle date de 1939, et a la particularité d'être en forme de cylindre, pour épouser au mieux l'intérieur de la cage d'escalier.
Les propriétaires de l’immeuble, très sensibles aux charmes et à la valeur patrimoniale de leur ascenseur, ont décidé, au moment de se mettre en conformité avec les règles de sécurité, de préserver le caractère d’origine de cette pièce unique signée du fabricant liégeois Jaspar.
Cette démarche fait plutôt figure d'exception. Le plus souvent, les ascenseurs anciens ont subi de lourdes rénovations successives. Les syndicats d'immeubles et les co-propriétaires ont en effet décidé, le plus souvent, de se mettre en conformité sans attendre d'approcher la date butoir. Les ascenseurs ont alors perdu leur cachet d'origine au bénéficie d'une plus grande sécurité.
C'est pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être que l'Etat fédéral a entamer une démarche qui doit aller dans le sens d'une meilleure préservation du patrimoine subsistant. Le gouvernement fédéral a chargé les régions d’établir un inventaire des ascenseurs qui présentent un intérêt historique ou patrimonial. Ceux-ci pourront bénéficier de mesures moins contraignantes de modernisation et de mises aux normes de sécurité. L’objectif est de conserver, autant que possible, leur caractère exceptionnel.
"Pour rappel", explique Olivier Hamal, le président du Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires, "la date-butoir pour la modernisation des ascenseurs mis en service avant le 1er janvier 1958 avait été fixée par Arrêté royal du 9/3/2003 (et développements) au 31/12/2022. Et les menaces pesant sur les ascenseurs anciens devenaient de plus en plus oppressantes face à des rénovations improbables dans les règles de l’art et dans le respect de leur valeur architecturale au vu des check-lists existantes."
"Dans le cadre d’une révision de la législation, l’inscription à l’inventaire régional des ascenseurs historiques permet d’obtenir gratuitement une attestation de la reconnaissance de sa valeur historique et partant, a priori de bénéficier d’une prolongation du délai de modernisation. L’obtention de l’attestation de la reconnaissance permet d’envisager des procédures de modernisation dans le respect du patrimoine et donc du « sur mesure », poursuit le patron du syndicat.
En région wallonne, c’est l’AWAp, l’agence wallonne du patrimoine, qui peut octroyer cette reconnaissance aux propriétaires, qui peuvent alors envisager des démarches sur mesure pour protéger leur patrimoine, témoin d’un savoir faire wallon dont la réputation s'est étendue au niveau international.